Réjouissons-nous !

En mai 2011, le café du village de Fiac accueillait quelques dizaines de clients peu communs. Beaucoup étaient nus. Des hommes portaient des fusils – vrais ou grossièrement factices –, branches et planches. Gardiens ou menace pour le lieu ? Une femme disait un texte au micro qui l’enlaçait. Enna Chaton entrait nue avec un appareil photo, observait la scène, saisissait les corps avec son appareil, guidait les participants. Ces derniers provoquaient les visiteurs et clients au comptoir, prenaient la pose de tir, exécutaient des actions énigmatiques, manipulaient des objets… « Réjouissons-nous » était l’argument !
Aujourd’hui, la performance s’est sédimentée. Dans ce terreau, des arbres ont poussé, sont devenus forêt dense, ont été coupés pour devenir planches, socles, branches suggestives, papier peut-être. Les feuilles sont-elles greffées sur les troncs ou bien sortent-elles d’imprimantes sylvestres, encrées par une sève hélioxydée ? Des fûts croquent des feuilles, d’autres les avalent. Les jambes des visiteurs s’immobilisent, prennent racines… Les dessins d’Enna Chaton à l’état d’épure ravivent la mémoire des gestes et des regards sur l’intimité des corps. Réjouissons-nous de cette mutation, elle stimule notre imaginaire ! Ph.B.