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Projet photographique, recherche de lieux de résidence.

La série commence, je saisie la complexité et les enjeux de la demande faite aux éventuels participants : « Je désire venir chez vous pour réaliser un portrait photographique en famille (père, mère, enfants, oncles, tentes, cousins, grands-parents…), dans le salon ou la cuisine, par exemple. Je demande à chacun de se déshabiller le plus possible, sans pour autan franchir la limite de ce qu’il ne se sent pas prêt à assumer vis à vis de ses proches, puis vis à vis du spectateur. La personne pose si elle le souhaite partiellement habillée, elle peut enlever une chaussette, garder ses sous vêtements, être nue… ”.

À travers ce projet je tente de donner la parole à la pudeur et aux tabous présents dans toute famille lorsqu’on aborde la question de la “nudité collective”.

Comment vivons-nous ensemble la nudité ? Comment gérons-nous nos désirs, nos interdits, nos libertés vis à vis de l’autre et du regard porté sur le corps ? Quel statut donner à sa propre nudité en famille ? Comment partager ces questions entre générations ? Comment aller au-delà des contraintes sociales, politiques qu’engendre le fait de se montrer ou pas nu dans l’intimité de la sphère familiale (dans une société et un milieu donné, à un instant T) ?

Afin de réaliser ce projet je cherche à multiplier les rencontres, à l’étendre à des milieux sociaux, culturels et religieux différents. Je cherche des lieux de résidence en France et à l’étranger, des aides à la production, à la mise en réseaux, à la diffusion d’un appel à participation sur internet ou dans la presse locale.

Héliogabale

Projet pour la Villa Medicis / Occitanie, extrait, 2019

Hypothèse#1
Héliogabale, c’est mon frère, né en 1967 à Besançon, berceau de Charles Fourier. Mon frère est un utopiste né de fantaisie, de sperme et de folie. Il amène sa soeur dans les pires lieux de débauche. Petite fille elle se souvient qu’il se servait d’elle, il en faisait un objet de curiosité pour ses amis d’école. Il amenait sa soeur dans les buissons du parc, la déshabillait et la montrait nue à ses copains. Parfois elle devait faire pipi devant eux.

Hypothèse #2
Héliogabale, c’est mon père, né en 1945 à Besançon, berceau de Charles Fourier. Mon père est un utopiste, bourgeois, élevé chez les curés, abusé par eux et par son frère aîner. Plus tard il devient sans limite. Vivant d’amour et d’eau fraiche, il partage sa femme, sa famille dans des lieux communautaires. Il amène ses enfants partout avec lui. Dans les salles des ventes, auprès de ses amis, dans son lit.

Hypothèse #3
Héliogabale, c’est ma mère, né en 1946 à Besançon, berceau de Charles Fourier. Ma mère est élevée chez les sœurs, elle découvre le sexe avec mon père. Un premier homme, une première fois, un premier enfant, un mariage pour la vie. Elle se cache. Elle a peur des communautés. Cependant elle aime un autre homme qu’elle rencontre dans des maisons partagées avec d’autres familles. Ils font l’amour sans se cacher.

Hypothèse #4
Héliogabale, c’est nous. Monde furieux, sexes mélangés, ni ordres, ni désordres. Tout se fond, se confond. Hommes et femmes et enfants partagent ensemble les mêmes lits. Le fils est mort suicidé. Le père est mort de ses excès. Les mères demeurent au pouvoir, dirigent la maison familiale coûte que coûte. La fille observe. La petite fille s’en va.

Hypothèse #5
Héliogabale retrouvé. Son buste est exposé au musée du Capitole à Rome. Le voila, il me regarde, il est là, ses yeux disent mon passé, mon avenir. Nous sommes Héliogabale ensemble dans ce nouveau monde. Cette archéologie nouvelle, structure mobile, transformable afin de sauver l’avenir des familles. Est-ce possible ? Est ce pensable ? Est ce souhaitable ? L’humanité d’Héliogabale est déjà presque morte.

Hypothèse #6
Héliogabale collectionneur. Sa pierre noire tombée du ciel, c’est ma collection de fossiles blancs jaillis des sous sols de la terre. Nous sommes l’un comme l’autre reliés à l’univers. Des entrailles du ciel, des fonds de la terre ; nos corps se fondent. Comme Antonin Artaud, je suis en filiation avec Héliogabale.

Hypothèse #7
Héliogabale, c’est moi, née en 1969 à Besançon, berceau de Charles Fourier. Je suis Héliogabale, je cherche le contact des peaux, je cherche l’effacement des frontières, je cherche à toucher les sexes, hommes et femmes mélangés. Héliogabale ne sait plus s’il est femme ou homme ou tous les sexes ensemble. Il est dans une utopie sans fin. Son corps est sa pensée, sa pensée est son corps. Il partage le trône avec sa mère, sa grand-mère, maitresses infaillibles qu’il défait peu à peu de leur socle rigide. Il/elle couche avec sa mère, avec son père, avec ses frères et ses soeurs, il couche avec tous les corps qu’il désire. IL/ELLE s’enfuit. Je suis toutes les femmes de sa lignée.