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Échange sur proposition et choix de mots par Philippe. À l’écriture de Philippe, répond – ou pas – Enna. Trame et chaîne croisées. Protocole en cours, été – hiver 2017. Extrait. Texte complet sur demande auprès d’Enna Chaton.

La Douceur pour combat

Engagement. Toi, artiste engagée ? Révélant crûment un être physiologique nu, affranchi d’une des normes sociétales et culturelles les plus constantes et taboues, ton travail est engagé, entièrement, dans un schéma anthropologique qu’il interroge et, in fine, remet profondément en cause sans discours. Le nu est académique, la nudité iconoclaste. Ton œuvre interroge notre relation à la nudité et la position du spectateur face à son exposition. Dans les images et performances, portraits ou cohortes en marche, les corps perdent la trace de leur appartenance sociale et culturelle. Le recrutement des volontaires, par annonces ou cooptation, biaise certainement la diversité, mais un affinement de l’échantillon ne modifierait pas le sens du processus. L’outil de recherche de ton exploration systématique est le jeu, le je mis en jeu. Un instrument performant à double titre, désarmant une part des résistances ou de la critique et offrant à chacun-e la possibilité d’être un spectateur émancipé. Dans son acception de présence active dans une mise en scène, le jeu plastique réinterpréte des mythologies modernes dans l’épure et sans contrainte de réalisme ; dans celle d’activité ludique, il introduit une possibilité de distanciation ou de sa symétrie, l’adhésion, voire la complicité intime. Tu poses la différence du regard comme mouvement. Mouvement de la pensée. Ton engagement, Enna, pour être cultivé et silencieux, n’en est pas moins radical. Ph.

Féminisme. Parler de ce travail n’est pas simple pour toi. Chacun-e disperse aujourd’hui, son avis sur tout, à toutes, à tous, à tout va, dans le tout médias. Critique, agresse, défend, encense en flux continu. Hypertrophie, véhémence. Toi, tu n’as pas de message militant. Pas même d’intention de message. Mieux, tu revendiques de ne pas en avoir. Artiste, tu refuses le marketing de toi. Ce qu’on apprend dans les écoles d’art. Pourtant ton travail n’est pas épargné par la violence. Toi non plus, qui le porte avec constance. Pudeur de n’en rien dire. Tu proposes une image douce, apaisée, désinhibée, du sexe de l’homme. Une proposition de réconciliation. Puis-je dire que tu l’apprivoises ? Que tu l’apprivoises pour te réconcilier ? Nous réconcilier ? Nous avons échangé sur la radicalité, la rugosité. La radicalité ne vient pas de la violence de tes images. Elle vient de leur douceur. Douceur chez toi radicale. La douceur comme combat, Enna. La fragilité comme force : une faille qu’éclaire ton travail artistique, lequel la transforme. Tu engages un rapport civilisé de la femme à l’homme, une intention de pacification qui n’arrive pas toutefois à effacer complètement le fréquent, angoissant sentiment de culpabilité – archaïque, ancestral – porté par tant de femmes depuis toujours. Ph

Violence. Du public, on ne parle souvent que de celui qui, spectateur de la performance ou de l’exposition, vit jusqu’au bout la proposition, met en cause ses préventions, élargit ses champs d’acceptations. Celui-là est paré, protégé par sa curiosité, son ouverture d’esprit, voire sa culture. Il arrive que d’autres résistent, s’effraient de leur audace à être là où ils sont, esquivent le partage proposé et agonisent l’artiste de reproches. Laideur des corps, inutilité du projet, impudeur, indécence, obscénité… une fois ouverte, la porte ne peut se refermer. D’être femme et de faire ce travail là, serais-tu doublement coupable ? Des artistes, des proches même, aggravent parfois le chahut de leur verve, critique et naturellement amicale. L’évitement ostensible, souligné même, du champ moral est pour ceux-là une des stratégies de l’hypocrisie. Il s’agit d’une agression contre le pluralisme dans la pensée et dans l’être par sa réduction au conforme et à la norme morale. « J’ai pour me défendre du jugement des autres toute la distance qui me sépare de moi-même » écrivait Antonin Artaud*. Trop infime distance en réalité. Tu ne peux être insensible à de tels déchaînements, à de telles remises en cause de ta liberté artistique. De ta liberté de femme de choisir ton terrain. Ph

Salope. « Vulgaire, honteux, salope…». Nulle discussion, nulle réponse à un jugement d’ordre moral : il n’ébauche aucune analyse qui les permette. Le jugement moral ne porte pas sur l’œuvre jugée, il révèle une opinion relative à celui qui le porte. Celui-là entend manifester de bon droit sa personnalité, ses goûts, montrer quel genre de personne il est – hérault improvisé de la bien-pensance – en réagissant à l’œuvre. Mais, héros pathétique, c’est de lui qu’il parle. D’affirmation de soi, de volonté de puissance, d’agressivité, et surtout d’approbation de soi-même, de repli sur un quant-à-soi culturel verrouillé. Les insultes interrogent les tabous, la transgression et la féminité. L’ordre moral est celui d’une régulation sociale, de particularismes niés, aveugle à soi. Le moyen de réprimer les pulsions de désir. Se prenant pour universel, il nie les autres. Il faudrait préférer une esthétique et une morale non-normative. Oxymore ? Il n’y a pas de vérité immanente et révélée. Rien n’autorise l’uniformisation des points de vue et des partis-pris. La qualification d’une œuvre artistique est un fait social, ses variations un fait historique*. L’appréciation de l’œuvre devrait être encouragée à l’exercice de l’altérité. La société nous apprend le contraire. Ph

Salope. Encore aujourd’hui j’entends dire d’une femme qui aime les sexes qu’elle est une salope. Le préjugé culturel et moral d’une société peu évoluée. Pour autant, je ne suis pas pour l’amour libre, j’ai du désir ultime pour le sexe de mon amoureux. Enna

Pornographie. Nulle tendresse dans la pornographie, seulement une mécanique de corps hypocrites qui feignent le plaisir sans autre intention que de générer la masturbation, de vider le cerveau et les couilles dans des situations de poncifs et de normativité sociale. Nulle tendresse dans le porno chic, seulement une esthétique de mode convenue qui devient convenable, mais tout autant lessiveuse de cerveaux. Tu veux retrouver les corps de l’origine, encore marqués par la trace récente des vêtements, mais dépolluées des respectables usages, des convoitises cachées, du conservatisme normatif, du refoulé de la pornographie. La projection culpabilisante du mot pornographie sur toute photo représentant un sexe masculin, une relation sexuelle, ses prémisses ou son issue, sans distinction de nature, est le jugement sans appel d’une société corsetée qui n’a de libérale que la pensée et le moteur économique, tous deux dévastateurs. Le dessin, l’illustration, l’édition, subissent moins la qualification infamante. Érotique dit-on. Ils font partie depuis longtemps des collections, quoique cantonnées dans des Enfers… Au-delà des appels de pied à l’histoire de l’art qui rassurent, les questions affluent. Comment photographier autrement en étant partie prenante de cette culture ? Quelle simplicité, quelle évidence, quelle radicalité atteindre ? Comment sublimer un désir sexuel en œuvre artistique ? Sans habillage : esthétisme, romantisme, pathos ? Soit des corps nus en état violent de désir et seulement cela. Ph

Pornographie. L’art me fascine, et c’est pour cela que j’essaie d’en faire. « L’art c’est la vie, l’art pour la vie »*. La vie c’est l’art ! D’où mon trouble après cette séance très forte partagée. Il y a du sexe là dedans. Le toucher est intense, il ouvre l’imaginaire, laisse place à la délicatesse du songe, à l’interdit de la représentation. Où se situe la limite entre désir et pornographie ? Le noeud de ma question, l’espace pour la pensée, le non déterminé, le silence, la poésie. Enna

Érotisme. L’évitement de la représentation crue des objets du désir, la suggestion du réel dissimulé, la convocation de l’imaginaire par le fantasme, l’ambiguïté cultivée des situations ou des gestes, la provocation à l’excitation sexuelle, tout ce qui construit l’érotisme formellement est absent de ton travail, Enna. Abolissant en premier le fétichisme vestimentaire, tu proposes une vérité des corps explicite plutôt qu’implicite, qui n’exclut ni la sensualité, ni les émotions physiques et mentales. Tout au contraire, inspiratrice aspirant à être inspirée, tu suggères leur éveil réciproque, dans une relation tendant à une forme d’égalité. Restent l’incertitude de la réciprocité du désir, l’opacité de la formulation du trouble, le risque de prises de position ou d’actions équivoques, induites par la diversité potentielle des intentions et des interprétations des modèles et participants dans ton atelier. Une prise de risque pour toi. Ph

Atelier. L’atelier fait cabane. Objets, tasseaux, planches, tissus, tabourets, accessoires se pressent au pied des murs. Indispensable paysage. La relation, l’intimité avec le visiteur sont-elles liées au lieu davantage qu’au travail ? L’échange dans le travail – ferment de dialogue fervent – plus précieux que le travail lui-même ? Pourrait-il ne pas y avoir d’image ? Non dis-tu. L’image est la sublimation du lien, de la tension d’un désir, l’interprétation intuitive d’une conversation particulière. Échange, installation, prise de vue, transfert des fichiers, découverte sur l’écran, image par image. Faisons un premier choix d’images ensemble dis-tu. La personne est belle, embellie, c’est une belle image. Tu la transmettras, tu gratifieras le complice d’un jour de la douceur de tes images – de ta douceur. Raison pour laquelle les photos doivent être belles. Ph

Atelier. Une fragilité, un bouleversement, une tempête. Chaque rendez-vous à l’atelier est un évènement, l’avenir d’images à construire. La rencontre d’un corps, d’une peau, des gestes, des mots, des rires, des regards… une altérité. Une rencontre provoquée, organisée, cadrée, qui ouvre un imaginaire, un indicible. Je prépare l’atelier, fabrique des objets, crée des éléments, bricole et assemble des éléments récoltés au hasard mais que je choisis de prendre, de faire entrer dans la création. Parler de fragilité, d’écoute, d’hospitalité. J’organise l’atelier spécifiquement. Je mets beaucoup d’attention à cela. Le lieu est comme adressé à l’autre, pour l’autre. La part du fantasme, l’imaginaire. se glissent dans la préparation de la prise de vue. La pâtisserie derrière la vitrine. Avec le fichier numérique sur l’écran de l’ordi, le sexe passe dans la vitrine ! Enna

Accessoires. Sous la pression conjuguée des religieux au XVème siècle, d’esthètes au XVIIIème et de moralistes au XIXème, nombre d’artistes – incapables de l’intransigeance de Michel-Ange – se font braghettone. De feuilles de figuier et de vignes, de coquillages, papillons, voiles et rubans, ces culottiers désignent ce qu’il faut cacher. Certains en jouent qui, d’un cache-sexe métaphorique – épée, massue, bâton, serpent ou pinceau – exaltent la vigueur des verges sous-jacentes. Tu joues de similaires accessoires Enna, mais, facétieuse, en les décalant, tu rends à la fois visible et le sexe et son cache potentiel. Ornements, attributs et peut-être indices, de ces matériaux et objets, naturels ou peints, accumulés en chapelet aux marges du petit atelier encombré, on pourrait avec désinvolture déduire de toi que tu aurais du parpaing, la solidité, de la baguette de bois, la rectitude autant que la finesse, des ailes d’un papillon noir, le soyeux de la peau, d’une racine échevelée, l’extravagance mutine, d’une rugueuse pierre phallique, la sensualité retenue, de disques colorés, l’imaginaire tourbillonnant, des crayons de couleur, l’effeuillage délicat, d’écorces de platane, la pudeur en bouclier, d’une pierre cristalline, la franchise du propos, d’une pièce de bois cornue, le pouvoir de conjurer les satyres, d’une palette de carton barbouillée d’acryl, l’intérêt iconoclaste pour l’histoire de l’art… Enfin, des couleurs franches, luminescentes qui couvrent et découvrent certains de ces objets, il ressort, Enna, que tu pourrais être un feu follet.

Essentiel et constant, l’accessoire cesse d’être artefact : il fait davantage que structurer et contraster chaque image : il la qualifie et révèle l’essence plastique du projet. Le corps cesse d’être tout à fait nu. Entre l’accessoire et le sexe s’établit une dynamique du regard et du sens. C’est aussi une forme élégante de politesse offrant une alternative visuelle à l’œil effarouché. Ainsi, l’objet transitionnel initie un processus de légitimation culturelle. Ph

Affinité. Explorer l’ambiguïté, frôler l’équivoque, toucher de ses mains, de son œil, et conférer ainsi une intense sensualité à quelques objets dont ce n’est pas la qualité première, suggérer le désir du corps sans l’asséner, déranger ainsi les conformismes par l’élégance et la fantaisie du regard est le travail d’un autre artiste. Il se nomme Paul-Armand Gette. Tu en es proche. Plus explicite et moins érotique dans la représentation, ton travail inverse aussi, du féminin au masculin, le genre du sujet du désir. Cependant, les différences n’abolissent pas une égale délicatesse et la recherche commune des limites de la représentation. Ph

Affinité. J’étais étudiante aux beaux art lorsque j’ai vu pour la première fois une photo de P.-A. Gette, touchant la cuisse d’une jeune fille, questionnant la liberté du modèle et je dois dire que je suis restée fascinée par cette proposition plastique et intellectuelle. Après ma sortie des beaux-arts de Cergy : chanceuse, en m’éloignant de Paris en 1995/98, je me rapprochais de Paul-Armand Gette, il venait souvent à Sète en résidence à la Villa Saint Clair. Timide, je n’osais provoquer une rencontre. Elle arriva enfin. Je posais pour lui, proposant « Le Soulagement de Diane » : un pipi ! J’imaginais un échange : je souhaitais réaliser quelques images avec lui, je l’allongeais dans les feuilles d’acanthe du jardin de la villa pour dégrafer sa chemise, filmer ses yeux face à l’objectif, ses mains. Enna

Absolu. Monde, famille et fratrie dévastés, violence du réel subi, des représentations, fractures de la mémoire, pornographie proliférante, tu as de bonnes raisons de tenter de te construire dans la douceur, avec la tendresse pour viatique, la catharsis de l’action artistique… Comment l’œuvre se nourrit-elle de cela ? Plutôt : comment puis-je ( pouvons-nous ), par le truchement de ton travail, ressentir cette expérience – violence et tendresse, ou l’inverse – qui est la tienne, celle de ta vie ? Comment, loin de les effacer, ton travail peut-il conserver visibles, transmissibles – choc d’émotions – ces traces, cette sédimentation ? Un travail de représentation tel que le sexe explicite devienne second au regard, hors discussion, une évidence naturelle. La morale est expérience. Renouvelant l’esthétique du genre, tu offres au spectateur la possibilité de recréer une éthique des émotions et des sensations. L’émotion comme expérience esthétique, intellectuelle et éthique. De l’éthique, tu fais un gai savoir qui sera mon esthétique. Un travail en forme d’utopie d’une légèreté de l’être qui tempère la gravité du sujet. La photographie et le jeu, la fantaisie, en sont des moyens. Couleurs, matières, objets composés n’affichent a priori nulle symbolique, mais offrent toute liberté d’enrichir une mythologie personnelle. Le travail artistique est un outil de connaissance simultanée de soi, des autres, du monde, pour toi comme pour moi. Pour vivre, davantage que pour exister.

Conversation

Conversation entre Enna Chaton et Laurent Joyeux, Montpellier, 12 janvier 2012, 10h30.
La petite histoire familiale – Les modèles – Un autoportrait accompagné – La chambre claire – La place du spectateur – La nudité – Une autre histoire du corps, esthétique et politique – Les dessins – Corps et décor

La petite histoire familiale

Laurent Joyeux – Commence donc par me raconter ton histoire, tes études, ce qui t’a amené à travailler sur cette thématique du corps, avec ta propre érotique.

Enna Chaton – C’est difficile, il y a plusieurs chemins. Deleuze parle d’ailleurs de la “petite histoire familiale” et dit que ce n’est pas du tout intéressant.

LJ – Oui, mais là, en l’occurrence, c’est toi qui nous la soumet.

EC – Alors, la petite histoire. C’est la façon dont on ressent les choses qui amène à choisir de les regarder, à les questionner et après à les transformer. Mon vécu et ma sensibilité m’ont entraîné à faire les Beaux-Arts. La nudité était déjà posée là, l’envie de travailler avec mes parents, d’interroger la sexualité. Même avant d’entrer aux Beaux-Arts, je dessinais mon père nu, je le photographiais, c’était un sujet, sans recul à l’époque. Ce qui était difficile, c’était lorsque je déboulais avec ces images à l’école et qu’on me tombait dessus. Certains profs, personnels de l’école, voulaient décrocher mon travail. À l’époque, je n’avais pas les outils pour en parler avec justesse, je n’avais pas assez lu, pas assez vécu aussi.

LJ – Ce qui garde une force assez corrosive, transgressive, de montrer ses parents nus comme tu l’as fais.

EC – D’ailleurs, je n’ai jamais pu trop le montrer ce travail ( Patrick, Chantal, l’Albenc, photographies n&b, 1992. NDLR : travail montré à Vaison-la-Romaine en 2018 )

LJ C’est l’origine de ton travail sur le nu, d’avoir commencé avec tes parents ? Mon amie travaille avec des psychotiques et me disait que la place du père, c’était celle de la séparation d’avec la mère, de l’interdit et de la transgression. D’ailleurs, cela m’a toujours étonné, on dirait que c’est le même corps, toi et ta mère, sur les photos. Dans les portraits de famille, on se pose la question “qui est la femme du père ?“. Il y a comme une confusion, qui est mère? Comme si le père avait été en incapacité de séparer.

EC – C’est exactement le sujet du premier travail : 2012

LJChez toi, le corps est objet, comme déshumanisé. Le corps psychotique serait un corps non désirant, sans sexualité. Pas de dedans, dehors, pas de limite, un morcellement du corps.

EC – Je fais partie de cette génération d’enfants nés en 1969. Mes parents étaient en butte contre leur éducation. J’ai grandi dans une cellule familiale à priori libertaire, “baba cool“, avec des relations au corps libérées. On était nu ensemble, on partait nu ensemble en vacances avec les copains, on pratiquait les plages naturistes, le camping sauvage, toute une époque ( Elle/Moi – Chantal et Enna, vidéo, 1993. Une souris verte, Chantal, Patrick et Enna, vidéo, 1992 ). Quand tu parles de séparation, j’ai vécu dans des maisons sans porte, sans séparation marquée avec mon frère par exemple. J’ai eu ma première chambre vers quinze ans … sans problème, c’est complètement une autre époque. Aujourd’hui on se pose la question « Quand est ce qu’une petite fille ne doit plus voir sa mère nue ? »… on devient paranoïaque. Je suis marquée par ça. J’interroge les codes, les stéréotypes, les espaces de liberté ( Petite mort, érotisme et la sexualité ).

LJ – Dans ton travail, on est passé de la petite histoire – qui est marqué par une époque – de ta famille à des groupes, dans une dimension plus sociale, plus politique. La question de la maîtrise, d’une volonté de maîtrise est hyper fort : comme l’interdiction de bander, ce qui est très difficile, énorme dans la nudité. Quelque chose de castrateur ?

EC – En fait, je ne le montre pas, c’est tout. Il existe des photos avec des hommes en érection. Une partie de mon travail aborde la sexualité ( C’est une femme qui, Patrick, Enna, diaporama couleur, extrait,1997 ). J’ai remarqué que dès l’instant où j’introduis de la sexualité dans mon travail, je n’ai plus affaire aux mêmes personnes lorsqu’elles viennent poser nues. Ces personnes ne viennent pas pour les bonnes raisons : pour mater, se montrer, pour avoir du sexe. C’est très bien, sauf que moi, ça ne me va pas. Ce désir sexuel met une tension dans le groupe et cela ne se passe pas très bien.

LJ À travers la place du père, à l’absence de ton frère : une recherche de ce corps-là, à travers tous ces corps ?

EC – Un corps absent, toujours absent, une quête d’absolue, un corps qui ne sera jamais là. C’est sûr, je me pose ces questions. Il s’agit aussi de la posture du masculin, entre la virilité, le père, le frère. La femme elle a aussi une toute-puissance.

LJ – Les femmes, quand tu les photographies, sont très belles, c’est très juste. Comme pour ta mère.

EC – Oui, il y a une espèce de fluidité ( Elle/moi, Enna, Chantal, photographies n&b, extrait, 1994; Série jaune- Patrick, Enna, photographies n&b, extrait, 1994, 1000 petits sexes à jouir, Patrick, photographies et vidéo, extrait, 1998 ).

LJ Ce n’est pas si fréquent de voir des corps masculins tels que tu les photographies, c’est rare, parce qu’on sait ce que c’est, dans le X par exemple. On sait à quoi il ressemble : une machine à bander, une machine à baiser, c’est de l’artillerie lourde.

EC – La virilité, le rapport à l’autorité et à la domination. Je trouve que l’on est dans une société très, très machiste et c’est peut-être pour ça que je tente d’aborder le masculin à l’égal du féminin, surtout en étant une femme.

LJ – D’ailleurs, est-ce que tu t’es déjà “frôlée“ avec ça, avec le désir. Est-ce que tu es allée au bout de ça.

Les modèles

EC – Non, je me suis donné un principe. Encore récemment un modèle m’a déclaré « j’ai du désir pour toi ».

LJ – Comme dans l’histoire de la peinture, il y a du désir entre le peintre et son modèle, et la peinture en général témoigne de cela.

EC – Je peux ressentir du désir pour les deux, les hommes ou les femmes. Le nu interroge aussi cela, la maîtrise des émotions… Ce que je constate actuellement, c’est un changement du corps masculin. Les hommes s’épilent, ils sont parfois totalement rasés, de plus en plus. J’avoue être un peu perplexe. C’est un phénomène récent. Le stéréotype du film pornographique, l’hygiénisme, après ?

LJ De toute façon, aujourd’hui, le nouvel eldorado économique, c’est le corps de l’homme. On a à peu près fait le tour du corps de la femme. Tu vois bien, on est allé au bout du bout, avec les prothèses, les femmes, on va pas les rallonger, il y a cela qui se joue, c’est un bon business. Est ce que tu traites de cela dans tes photos ?

EC – Cela se voit dans les images, en filigrane, comment les corps évoluent.

LJ Tu choisis tes modèles en fonction de cela ? parce qu’ils sont représentatifs de cette vision politique des corps ?

EC – Je ne choisis pas mes modèles, c’est eux qui me choisissent. Je vois qu’ils sont en train de changer. Les modèles masculins se permettent un bon petit ventre, ils sont plus grassouillets. Certaines femmes sont un peu rondes, très belles, elles ont des formes et je trouve ça génial. Cependant, en général on voit qu’elles font beaucoup plus attention que les hommes.

LJ Comment te prépares-tu par rapport à cela. Est-ce que tu fais attention, est-ce que tu vas chez l’esthéticienne ?… Est-ce que ça engendre un autre rapport à ton propre corps ?

Un autoportrait accompagnée

EC – Ça a changé. Avant, je ne faisais rien de spécial. Depuis quelques années, depuis la naissance d’Alice, avec la quarantaine, le corps change, je me suis mise à faire attention, je fais du sport. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment mon corps a évolué depuis mes vingt ans. Dans mon travail il y a quelque chose d’un autoportrait accompagnée. En ce moment, je ressemble à ma mère de plus en plus, vieillissant. Tout se voit dans la photo. Dans ma relation à la pilosité, je fais plus attention qu’il y a 10 ans mais je ne vais pas chez l’esthéticienne pour autant. Je ne m’épile pas le pubis. A force de voir des gens imberbes, je me dis « merde, qu’est ce que j’ai comme poils !»

LJ Ce boulot pose la question à la fois du corps social, de l’autre, de la sexualité mais c’est aussi un autoportrait, un miroir que tu nous tends. Si on le voyait sous un autre angle, tu mets en scène autour de toi.

EC – J’ai toujours été dans mes images, depuis le début. C’est encore une histoire par rapport au deuil et au pouvoir photographique. J’ai besoin de faire des photos du quotidien, d’inscrire la mémoire. Ça m’accompagne, vraiment, même en dehors de mon travail, j’ai besoin d’avoir des traces. C’est le pouvoir de l’image, cette histoire par rapport au temps et à la mort ( série Paysages, St Gaudens, photographies et vidéo, 2006; Véronique, Enna, photographie, 2006 ).

La chambre claire

LJ – Le deuil, la mort sont très présents dans ton travail. Et même à travers des objets qui ne sont pas évident, des chausse-trappes comme les corps, les paysages…qui sont vraiment un cadre, un fond, un décor. Qu’est ce qui t’a amené à travailler avec ces maisons, ces pavillons ? ( Série “Les maisons grises”, Fabrègues photographies et vidéo – 2008/09 )

EC – Je les voyais comme des sculptures, des volumes gris dans le paysage, superbes. Après s’est posée la question de l’accession à la propriété. Que cela signifie-t-il pour un jeune couple : la villa, la maison, la cuisine Ikéa… en intégrant des corps qui ne sont pas stéréotypés… ?

LJ – J’ai un sentiment de tombeau par rapport à ce boulot, il serait allongé les corps, cela serait assez mortuaire. La question du deuil. Encore.

EC – Elles sont dures ces photos. Je ne fais pas de cadeau.

La place du spectateur

LJ – J’ai eu une drôle de sensation, en voyant ta performance, Figures sonores & nus féminins à Aperto, une collaboration avec Carole Rieussec électroacousticienne, en octobre 2011, très originale. Je m’interrogeais de mon propre point de vue. Je parlerai d’abord d’effet de sidération et puis de dé-sublimation totale du corps. Et puis ensuite est venue un grosse interrogation : « Qu’ est-ce que je fous là ? » Surtout la deuxième fois, assis à hauteur de culs, de sexes, il y a des choses qui se passent et je me demande qu’est-ce que je fous là ? Un moment, un effet très particulier, d’immobilité, délirant.

EC – Cette relation public-corps, elle n’est pas facile à gérer avec le lieu qui m’accueille, surtout quant le lieu est petit. Il y a toujours cet effet de sidération. Souvent les gens finissent par s’asseoir, et se retrouvent à hauteur de sexes, ce qui est très rare au quotidien. On regarde les sexes. On finit par se sentir super bien avec ces corps car ces corps sont eux-mêmes super bien. En définitive, certains se disent, pourquoi je ne rentre pas dans la performance ?

LJ – Est-ce déjà arrivé?

EC – Deux fois, quelqu’un est rentré dedans, en douceur, comme ça. Il arrive que des personnes soient très heurtées, elles s’en vont, mal à l’aise. Elles sont gênées, cette intimité leur est insupportable.

LJ – Alors que l’on n’a pas cette sensation de voyeurisme. ( Figures sonores & nus féminins – Aperto Montpellier – octobre 2011 Autour, dedans, avec #1, Grands Terrains, festival Les Instants vidéo, Marseille – novembre 2010 )

EC – Ce qui revient souvent, ( peu de retours en fait ) : « on est très à l’aise, on est un peu halluciné, des scènes un peu surréalistes que l’on ne comprend pas… C’est plutôt assez festif et jouissif ».

LJ – Ce qui m’a interrogé dans cette performance à Montpellier, c’est la façon dont tu as volontairement pseudo érotisé les corps à travers des objets fétiches ( porte jarretelles…), et cela a fonctionné très bien, cela à rebanalisé absolument ces corps, dé-sublimé, désexualisé. Tu as autorisé certains signes ou codes érotiques, comme pour évacuer le désir et cela vient marquer les corps comme non érotiques. 

Participants versus modèles

LJ – Et ces modèles ? Pourquoi ils viennent?

EC – En fait, le mot modèle ne me convient pas, je les appelle des participants. Ce sont des individus, des êtres, des corps, ils viennent avec leur histoire, leur personnalité… Je ne les rémunère pas, c’est un paramètre important. J’ai essayé une fois de payer des personnes pour un travail. Je me suis vite rendue compte que ce rapport à l’autre ne me convenait pas du tout. Si la personne vient, c’est qu’elle a un vrai désir d’être là. Je ne m’amuse pas à interroger chacune d’entre elles pour connaître la raison de sa venue… Ce n’est pas un espace où on fait de la thérapie de groupe. Il s’agit d’un travail artistique. Là, je suis un peu dure. Il y a une vraie relation à la personne. Certaines reviennent souvent, parfois ils font 500 km pour être présent, en se déplaçant gratuitement. Une vraie générosité ! Je constitue des familles, des fausses familles. Au moment de la prise de vue, des performances, on partage du temps ensemble, des repas, des discussions…

Petit à petit j’apprends à connaître leur histoire, leur vie, mais je ne veux pas rentrer trop dans le détail de chaque histoire. Trop lourd à gérer. Cela demande déjà beaucoup d’énergie de travailler avec l’autre. Chaque rendez-vous est une organisation, une charge émotionnelle. Un minimum de distance m’est nécessaire. Lors des performances et en fonction des projets que je leur propose, ils intègrent un personnage, ils jouent avec ce qu’ils sont. Chacun a sa place dans le groupe. On s’amuse beaucoup, on se découvre également, on s’étonne, se libère… si j’étais trop rigide ou manipulatrice, ils ne viendraient pas, il faudrait que je paye les gens. Ce ne sont pas des exécutants. Le groupe, c’est comme une micro-société, on retrouve celui qui organise, celui qui fait rire, celui qui pose des questions. L’idée d’une compagnie peut-être.

Tu parles d’une certaine froideur dans les photographies et les vidéos, alors que mon travail, intimement, ne me semble pas si froid que ça. J’ai fait de la performance parce qu’à un moment donné, ces corps sont devenus comme des sculptures, des statuaires, vides, sans sensualité, ni intimité, ni poésie dans l’image fixe. La fixité, dans l’image, vient aussi de la pose que je demande d’avoir. Une pose droite, assez raide. Une présence très forte face à l’objectif et dans le lieu. La fixité de la photographie par moment me gène, elle ne correspond pas toujours à ce que je veux donner à voir ou à sentir à l’autre. J’en suis donc arrivée à la performance pour redonner de l’humain, du mouvement, de la joie, du rire, de la fragilité, à l’opposé de ce qui peut se donner à voir en photo, surtout celles de la série des “Maisons grises”.( Festival “Jeter son corps dans la bataille” préparatifs avant la performance “Autour, dedans , avec # 2” Genève novembre 2011 )

LJ – Pourquoi fais-tu alors des photos pendant les performances ?

EC – Le point de départ des performances, c’est « j’ouvre mon atelier ». Et moi dans mon atelier, je fais des photographies… Je propose des prises de vues en public, je garde cette présence très forte de la photographie, je ne pourrais pas tout faire disparaître, c’est impossible. J’ai besoin de fabriquer des images, de garder les traces d’un vécu, comme quelque chose qui était là : « regardez, on a fait ça… ça ne peut pas disparaître ». La mémoire, la trace, le deuil pour moi c’est vraiment essentiel, ça revient. La disparition c’est insupportable.

LJ – Tu luttes contre la disparition du corps. Inconsciemment, consciemment… ( Festival “Jeter son corps dans la bataille” Autour, dedans, avec # 2 – Genève novembre 2011 ).

EC – Encore l’autoportrait. Mais pas seule, ce sont des autoportraits accompagnée, sauf quand j’étais enceinte, mais j’étais accompagnée… Quand tu commences à faire un travail, c’est avec soi, à partir de soi.

La nudité

EC – Elle s’est imposée à moi, comme une évidence, d’emblée c’était là.

LJ – Qu’est qui se joue là ? Quand j’étais aux Beaux-Arts, beaucoup de nanas travaillaient sur leur sexualité, la sexualité, encore aujourd’hui, on sent comme une interrogation forte chez la femme, plus que chez les mecs, leur corps, la nudité. Due peut-être à une pression sociale, économique, sociétale sur le corps de femme en particulier.

EC – Oui, je m’interroge. J’enseigne avec des étudiants de 18-20 ans. Maintenant cela fait un moment que j’enseigne. Le rapport au corps, à la nudité a beaucoup changé, il est complexe. Aujourd’hui certaines de mes étudiantes sont soit anorexique, soit obèse. Sans vouloir faire de généralité, il y a un vrai souci, une vraie interrogation par rapport à cela. Nous sommes dans une société de plus en plus pudique, avec des codes de plus en plus forts, on se cache. Un retour assez réactionnaire… Pour les annonces sur mon site, il n’y a presque que des hommes qui se proposent. Les femmes ont peut-être peur, peur de l’inconnu, de leur image, de se mettre nue dans un groupe, je ne sais pas.

LJ – Tu “défictionnalises“ tout cela ?

EC – Internet offre de la fiction et du fantasme, et moi je ne suis absolument pas dans cela. Dans mes images, nous n’avons plus le repère de la classe sociale que donnent les vêtements, on est tous égaux, tous pareil, même l’artiste se met toute nue, alors « qu’est ce qu’on fait maintenant, on arrête de se la raconter et qu’est-ce qu’on fait ? »

LJ – Cela renvoie à une métaphysique de l’être que l’on retrouve dans des métaphysiques asiatiques, comme un étant là, sans fiction.

EC – Cette pose première est venue quand je faisais du yoga, l’arbre, entre le sol et ciel, le moment où est le plus présent. C’est pour cela que ça me gène quand tu parles de froideur. Cela peut être complètement mal interprété. Cette posture m’a permis d’enlever tout geste, toute narration ( La pose : sans narration, une vraie présence, Cité Universitaire de Paris, salle d’escrime,Violette, Stéphane, Jean-François, Enna, photographie, 2009 ).

Une autre histoire du corps, esthétique et politique.

EC – Stéréotypes, mannequins… moi j’accepte tout le monde, petit, gros, maigre.

LJ – Un corps démocratique, comme un corps familial.

EC – Ce qui me semble intéressant, c’est que l’on n’est pas dans un corps fantasmé. Dans la pub, au ciné, nous sommes en permanence renvoyés à un corps qui n’est pas soi, qui ne le sera jamais et, du coup, nous sommes dans une frustration. Les jeunes sont frustrés et mal, car ils ne pourront jamais ressembler à cela, d’où la difficulté de s’accepter soi-même. Pour moi c’est très important de revenir à une “vérité” du corps.

LJ – Je pense que l’on va changer de paradigme, avec les prothèses mammaires, le botox, les régimes, on va arriver à une limite. Cela ne peut plus continuer comme ça. C’est une faillite énorme. La création et l’art doivent lutter là-dessus

EC – Les actrices qui se font refaire le visage. C’est pas fini, regarde, mon travail n’est pas vendeur… As-tu envie de voir des corps comme ça dans ton salon si tu es collectionneur ? La question de la beauté est très présente, de la représentation idéalisée ( le mythe des trois Grâces, Botticelli, …). C’est pour cela que la force du Déjeuner sur l’herbe est encore très actuelle. Dans les années 90, beaucoup d’artistes ont travaillé sur le corps malade, le sida. Cela a presque complètement disparu dans l’art contemporain…

Les dessins

LJ – Nous allons montré des dessins pendant la Mostra, je les aime beaucoup. A quel moment ils interviennent dans ton travail et pourquoi veux-tu les montrer ?

EC – Les dessins sont arrivés en même temps que les performances, fin 2009. J’étais un peu paniquée pour la première performance, une nouvelle manière de travailler. Comment j’allais pouvoir communiquer ce projet à l’autre, aux participants ? Comment j’allais imaginer ce projet là ? J’avais des images en tête. J’ai commencé à écrire, mais cela ne suffisait pas et j’ai utilisé le dessin afin de poser des corps, des situations, l’espace architecturé qui allait m’accueillir. Le dessin m’aide à poser des éléments de décors, des accessoires, des touches de couleur, des éléments scénographiques, comme un vocabulaire de gestes… ( Lieux d’attente photographique # 5, 40×30 cm, gouache, mars 2012 ). Le dessin est un moyen de transmission, il me sert à communiquer le projet aux participants. C’est un outil de travail avec lequel je prends beaucoup de plaisir, c’est plus léger que d’organiser une séance de prise de vue. C’est une projection, cela me permet d’ouvrir à un champ plus fictionnel. C’est aussi le plaisir de la forme, du trait, de la couleur. Je n’avais pas du tout l’intention de les montrer au départ. Je suis très pudique, c’est montrer une part de moi-même, c’est très compliqué. Comme je ne montre pas les textes.

LJ – Dessins préparatoires de performance et aussi d’autres séries de dessins, qui viennent après, comme ceux de la plage du Cap d’Adge, qui sont comme des traces de ce que tu n’as pu photographier.

EC – Exactement. J’ai des dessins de plage naturiste, des tableaux et des images que j’ai en tête et que ‘j’essaie de poser ». Il y a aussi des dessins préparatoires aux films des scènes pornographiques, il y a aussi ma fille qui n’aime pas que je la photographie alors je la dessine. C’est un autre temps que est agréable même si je n’ai jamais assez de temps

Corps et décor

LJ – Le décor est un fond de scène. Le corps, c’est lui le paysage.

EC – Sauf que le lieu induit beaucoup de choses sur l’être, sur le corps, sur la réception qu’on en a.

LJ – Oui mais c’est la fonction du décor au cinéma, un paysage émotionnel et psychologique qui donne un couleur à ce que ressent le personnage. Sans l’éluder, je ne suis pas très sur que ce soit important dans ton boulot.

Nota benne
Jean-Luc Nancy, Corpus, p11. Nous n’avons pas mis le corps à nu : nous l’avons inventé, et il est la nudité, et il n’y en a pas d’autre, et ce qu’elle est, c’est d’être plus étrangère que tous les étranges corps étrangers. Georges Bataille, L’Érotisme (10/18, Gallimard, p23 ). La mise à nu, envisagée dans les civilisations où elle a un sens plein, est, sinon un simulacre, du moins un équivalence sans gravité de la mise à mort.